Lancement des Journées du Matrimoine en septembre

par Mathilde Doiezie

Lire l’interview sur le site du Figaro Culture

 

INTERVIEW – Les 19 et 20 septembre se tiendra la première édition de cet événement alternatif voué à revaloriser l’héritage artistique des femmes. La présidente du collectif HF Île-de-France détaille cette action.

 

En 2006, le rapport Reine Prat commandé par le ministère de la Culture révélait que les hommes dirigeaient 92% des théâtres consacrés à la création dramatique, 86% des établissements artistiques d’enseignement supérieur et signaient 85% des textes à l’affiche des théâtres du secteur public et 78% de leurs mises en scène. Près de dix ans plus tard, les chiffres n’ont pas bougé, ou si peu, rappelait une autre étude menée par l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication. Une situation que le mouvement HF (Égalité hommes-femmes dans les arts et la culture) – qui compte environ 1500 membres au niveau national – dénonce et combat à travers ses actions.

 

Les 19 et 20 septembre, la fédération d’Île-de-France ira de l’avant en mettant en place la première édition des Journées du Matrimoine. «Un contre-événement en parallèle des Journées du Patrimoine», explique Aline César, présidente du mouvement HF Ile-de-France. Quelques jours plus tôt, le 16 septembre, la plateforme www.matrimoine.fr sera également lancée pour répertorier les artistes et créatrices du passé. L’«autrice et metteuse en scène», telle qu’elle se présente, a détaillé ce projet au Figaro.

 

LE FIGARO. – Qu’est-ce que le mouvement HF? Pourquoi a-t-il été lancé?

Aline CÉSAR. – HF s’est créé en Île-de-France en 2009 autour de nombreuses personnalités issues du théâtre. Le mouvement est né à la suite d’un premier collectif monté l’année précédente en Rhône-Alpes, en réaction à la remise du rapport de Reine Prat, commandé par le ministère de la Culture. Ce rapport établissait un état des lieux de la place des femmes dans la culture et le spectacle vivant. Remis en 2006, il a fait l’effet d’une bombe dans le secteur, en mettant en lumière ce que tout le monde pensait. Il permettait de mettre enfin des chiffres sur cette réalité.

Mais une fois ce problème rendu visible, on est passé à l’étape de la myopie. Il y a bien eu quelques nominations de femmes à des postes culturels importants mais les chiffres, eux, n’ont pas bougé, comme l’ont révélé d’autres études. On est dans un immobilisme effrayant depuis dix ans. Le secteur culturel se veut exemplaire, revendiquant d’avoir inscrit de façon naturelle dans ses gênes l’idéal d’égalité et pourtant les discriminations y sont pires que dans d’autres secteurs. Il y a par exemple plus de femmes aux postes de responsabilité dans l’armée que dans la culture. On dit toujours que le talent et l’art n’ont pas de sexe. Pourtant le masculin l’emporte encore.

 

 

Quelles ont été vos actions jusque-là?

Depuis notre création, nous essayons de sensibiliser autant les élus que le public. Nous avons, par exemple, été auditionnées plusieurs fois à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Nous avons également écrit un manifeste avec vingt revendications. En octobre, nous lancerons également notre troisième saison «égalité» avec une trentaine d’établissements partenaires en Île-de-France. Ceux-ci s’engagent à mettre en place une programmation équilibrée entre femmes et hommes, une réorganisation interne paritaire… Bref, nous cherchons désormais à mener des actions concrètes sur le matrimoine.

 

Qu’est-ce que le «matrimoine»?

Le matrimoine, c’est le patrimoine féminin, celui construit par les femmes artistes et créatrices. En additionnant le patrimoine et le matrimoine, on obtient ainsi un héritage commun universel. Mais ce mot n’est pas un néologisme. Jusqu’aux XVIe-XVIIe siècles, il apparaissait dans les testaments pour désigner les héritages en provenance des femmes. Il a malheureusement disparu du langage courant.

 

Pourquoi avoir décidé de lancer les premières Journées du Matrimoine? En quoi vont-elles consister?

Notre socle de biens artistiques est à 95% masculin. Nous voulons justement mettre en valeur l’héritage des femmes. Quoi de mieux que de le faire pendant les Journées du Patrimoine? Nous avons donc décidé de profiter du public captif de l’événement pour proposer des parcours alternatifs, notamment au musée d’Orsay, au Petit Palais et au Centre Pompidou. Il y aura également un événement «midi-minuit» au Palais-Royal pour mettre en valeur la création féminine, un parcours spécial dans le XIIIe arrondissement mené par l’association Osez le féminisme

 

Vous allez également lancer la plate-forme www.matrimoine.fr le 16 septembre. Qu’y trouvera-t-on?

Elle permettra de regrouper les informations sur les créatrices du passé. Toutes celles qui devraient apparaître dans les dictionnaires et les anthologies d’histoire de l’art. L’ensemble des disciplines artistiques seront concernées: littérature, peinture, sculpture, photographie, cinéma, théâtre, musique, danse, architecture, design… Nous y diffuserons également toutes les informations concernant le mouvement HF Île-de-France.

 

Et pour la suite?

On espère continuer à travailler avec la région Île-de-France, qui finance déjà en grande partie notre projet matrimoine sur trois ans avec la Ville de Paris et la Drac [Direction régionale des affaires culturelles, NDLR]. Nous allons notamment lancer les «Lundis du Matrimoine», rencontres régulières autour du matrimoine avec performances et débats entre public et universitaires. Nous organiserons régulièrement d’autres temps forts. Notre prochaine action pourrait par exemple se tenir lors du Printemps des poètes, en 2016.